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Le 11 septembre à la télévision, 10 ans après

Le 11 septembre à la télévision, 10 ans après

Quatre célèbres présentateurs télé outre-Atlantique reviennent sur leur folle journée du 11 septembre à l’antenne, et donnent leur sentiment sur l’évolution des médias dans leur pays depuis.

Quel angle du 10ème anniversaire des attentat du 11 septembre 2001 n’a pas été traité par les médias américains ? Difficile à dire tant les sujets ont été nombreux : entre les récits individuels, les histoires méconnues, le rembobinage inifini de l’enchaînement des évènements, l’état de la nation et son rayonnement une décennie plus tard, la posture des dirigeants d’alors (interview de Bush, bouquin de Chesney, présence de Bill Clinton à l’ouverture du mémorial de Shankesville en Pennsylvanie…) et les honneurs rendus par Obama. Autant dire que la couverture médias aura été pour le moins dense. Seul un point suscite moins d’interrogations : les médias eux-mêmes et leurs méthodes 10 ans après.

C’est ce point qui faisait l’objet du dernier Kalb Report. Il s’agit d’une série de débats télévisés organisés par Marvin Kalb (MK) depuis le milieu des années 1990, un  journaliste qui a accumulé 30 ans d’expérience chez CBS News et NBC News ; un des derniers newsman recrutés par Edward Murrow, celui qui s’opposa à McCarthy et dont le portrait avait été mis sur les écrans par George Clooney en 2005 (« Good night and good luck »). Cette dernière rencontre, tenue au National Press Club à Washington vendredi 9 septembre, conviait quatre présentateurs TV célèbres, tous en plateau le matin des évènements. Il y avait  Charles Gibson (ABC, « Good Morning America ». CB), Dan Rather (CBS, « Evening news ». DR), Brit Hume (Fox News. BH) et Frank Sesno (CNN alors, aujourd’hui directeur de programme à la Georges Washington University. FS).

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Chacun à leur tour raconte la manière avec laquelle ils ont vécu cette matinée et leur vision de l’évolution du métier aux Etats-Unis depuis :

CB : « il faut reconnaître que nous ne savions, comme tout le monde, rien de ce qui était en train de se passer. On avait qu’à tenir l’antenne avec les informations qui nous arrivaient au fur et à mesure. Quand le deuxième avion a frappé, je me souviens avoir prononcé ces mots ‘maintenant on sait, le pays est attaqué’ (‘now we all knonw what’s going on, we’re under attack’) ».

BH : « C’est bien sûr la plus grosse chose qu’il m’ait été donné de vivre en tant que journaliste. Je me sentais une responsabilité à garder mon calme et à me montrer le plus rassurant possible ».

FS : « Un moment où les émotions rentrent en collision avec le devoir de journaliste. Je me devais de continuer à parler sans même savoir ce qui se passait exactement.

DR : « Tout en vous pousse à l’expression de la peine, mais on se doit de garder son sérieux, et de continuer à être cette honnête courroie d’informations pour le public (« honest broker of news ») ».

Marvin Kalb« comment peuvent se concilier dans un moment pareil, une exigence d’objectivité et le sens du patriotisme ? »

CB : « je me souviens m’être dit que j’avais travaillé toute ma vie pour être là à ce moment précis, et que, pour aussi surprenant que cela paraisse, j’étais honoré de pouvoir tenir mon poste ce matin-là ».

BH : « Nous ne sommes pas la Suisse, Fox exprime un avis. Il s’agit d’un acte démoniaque (« act of devil »), et c’est ce que je continue d’exprimer publiquement et de penser aujourd’hui. L’idée centrale, dès le matin du 11 septembre était de savoir qui étaient ceux qui avaient commis ça, et comment les retrouver. »

FS : « Pourquoi est-ce que chaque journaliste ne s’est-il pas mis à porter un pin’s du drapeau américain ? Est-ce bien là notre rôle ? »

Marvin Kalb« si les attentats devaient se reproduire aujourd’hui, de quelle façon est-ce que vous  couvririez l’évènement ? La question inclut les évolutions technologiques. »

FS : « étant donnée la manière avec laquelle les réseaux sociaux nous connectent au reste du monde, nous devrions bien sûr prendre en considération ce nouvel élément. »

DR : « ce serait plus dur parce que si les journalistes sont plus formés, il y en a moins. Le cercle restreint des bons journalistes va en rapetissant. »

CB : « je crois que je suis heureux d’avoir pris ma retraite parce que les méthodes de reportage aujourd’hui m’effraient. On est tributaire de Tweet sur lequel on ne peut avoir aucun regard.

Marvin Kalb : « un sondage tenu par la Georges Washington University montre qu’en temps de crise les sources d’information préférées par le public sont à 41% la télé, à 23% internet sur ordinateur, 11% la radio, 9% les smartphones, 5% la famille, et 1% les journaux. La télévision reste le média prioritaire de près d’une personne sur deux encore aujourd’hui.

CB : « L’accès le plus rapide à l’information se fait via des images. L’immédiateté est synonyme d’images. »

Marvin Kalb : « Est-ce que les nouveaux supports améliorent la qualité et la richesse des informations qui sont diffusées ? »

DR : « je suis très sceptique au sujet de ce que Twitter par exemple peut apporter. On ne remplacera jamais l’atout d’une personne expérimentée, qui joue son rôle de courroie d’informations (« broker of news ») avec honnêteté. L’avenir passera par internet mais impliquera d’être très sélectif dans ce que l’on retient de l’information si on veut en conserver la bonne qualité ».

CB : « L’avenir des médias traditionnel passe par le commerce d’une des choses que nous avons encore à vendre : la confiance ».

FS : « C’est comme lorsque l’on est malade, on commence par aller voir sur internet ce que l’on peut trouver sur le sujet, et après on finit toujours par aller voir son médecin habituel. Le bon reportage continuera de demander de l’expérience et du temps. »

BH : « Le format ne se substituera pas à l’expérience. »

FS : « Et si le risque de sources tronquées existaient avant les réseaux sociaux, il ne fera que continuer avec eux ».

Question du public sur la différence entre s’investir sur les réseaux sociaux et être un journaliste, où se dessine une ligne ?

FS : « Cela dépend vraiment du genre de personæ que vous créez en ligne. Si vous sortez des histoires dont personne n’a entendu parler et que vous commencez à devenir un carrefour d’informations, à être retweeté, alors vous commencez à vous différencier de l’usager lambda. »

Benjamin Polle est licencié de philosophie et étudiant au sein de l’école de commerce Audencia à Nantes. Il a fait ses premières expériences de journalisme écrit à l’Agence Environnement développement durable, aux Echos, à Alternatives Economiques et pour le magazine franco-allemand Paris Berlin. Son blog : http://actuecrue.blogspot.com/

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