L'Observatoire des médias

De l’hyperlocal révolutionnaire: Nase Adresa

Voici un article d’Antoine LAURENT, initialement posté sur http://antoine-laurent.blogspot.com. Antoine est un jeune journaliste multimédia freelance, travaillant actuellement pour le World Editors Forum.

Alors que tout le monde parle de LeWeb09, je vais revenir sur le World Editors Forum où j’étais la semaine dernière. De toutes les présentations et conférences,  celle qui m’a le plus surpris et convaincu vient de l’est de l’Europe. Il ne s’agit pas encore des polonais de Gazeta Wyborca, dont les blogs new media se sont déjà faits l’écho. La surprise vient cette fois de République Tchèque, où a démarré cette année la publication de Nase Adresa (« notre adresse », en Tchèque), un projet d’hebdomadaire hyperlocal un peu fou.

J’ai eu l’occasion d’interviewer Roman Gallo, le directeur de la stratégie média de PPF, le groupe qui est derrière Nase Adresa. Le projet s’articule autour de trois éléments: les éditions de l’hebdomadaire, différentes pour chaque zone, un centre de formation permanent, basé à Prague (Futuroom, qui mériterait lui aussi son article), mais surtout les « cafés éditoriaux« .

Je vais me pencher dans cet article uniquement sur les cafés, l’élément le plus surprenant de ce projet. Pour produire un contenu original dans chaque région dans laquelle l’hebdo paraît, des antennes régionales sont mises en place, directement dans des cafés type Starbucks, ouverts à l’occasion par le journal (!).

La salle de rédaction est au milieu du café, accessible aux clients, qui voient le travail des journalistes, peuvent les interpeller, commenter les articles, leur donner des idées, des photos. Au niveau proximité, hyperlocal, ou local, cette initiative atteint des sommets inexplorés: les journalistes sortent de leur statut d’élites, pour entrer en contact direct, réel et permanent avec les lecteurs. Ils ont pour mission d’aider les lecteurs désireux de produire du contenu pour le site web ou pour les hebdos, de les conseiller dans la gestion de leurs réseaux sociaux et autres activités sur internet, et surtout, ils peuvent eux-mêmes directement les interroger, avoir leur avis sur un article, rechercher des témoignages.

Pour impliquer les gens dans les activités du journal, les attirer dans les cafés-newsrooms, Nase Adresa organise des évènements ciblés sur des groupes de lecteurs: après-midi thé dansant pour les séniors, atelier danse pour les mères et leurs enfants, concerts au sein du café. Le journal, l’information et les journalistes prennent ainsi une place centrale dans la vie d’une communauté.

Chaque café éditorial aura pour mission d’alimenter en contenu original deux ou trois éditions locales de l’hebdomadaire. À terme, 90 cafés devraient ouvrir, pour près de 190 éditions locales, ou hyperlocales selon votre bon goût.

Ce concept est selon-moi une des meilleures retranscription dans la réalité des changements apportés par internet dans les médias: un échange, une conversation est possible entre les journalistes et leurs lecteurs; les lecteurs peuvent produire du contenu, en étant encadrés par les journalistes.

Pour approfondir:

article de Jean-Pierre Tailleur pour le Editors Weblog;

article du New York Times;

article du Guardian;