L'Observatoire des médias

CNN fait le pari du journalisme citoyen avec ireport.com

Nous essayons depuis longtemps de vous parler des différentes initiatives de journalisme citoyen, et surtout de voir comment les médias prennent en compte cette vague. C'est passé assez inaperçu en France, mais l'année dernière CNN a fait parler d'elle en lançant sur leur site une partie de contenu généré par les utilisateurs, dénommée i-Report . Dès la page d'accueil, on voit cette barre d'icônes :

 

 

C'est en août 2006 que CNN a lancé cette partie du site, et depuis, pas moins de 100.000 contenus ont été soumis par les ireporters. Cette fois ci, CNN va plus loin, en lançant un portail entièrement dédié à l'UGC, le User Generated Content. Pour se faire, CNN vient de débourser la rondelette somme de 750,000 $ pour acheter à un certain Rick Schwartz les deux domaines ireport.com et i-report.com que Schwartz avait acheté 70 ou 100 dollars en 1997. Le deal aurait été négocié l'année dernière mais clôt ces derniers jours.

Alors oui, cette somme est importante, et elle restera dans les annales en matière de transferts et de ventes de noms de domaine. Mais ce n'est pas le plus important. Ce qu'il faut relever, c'est que ce futur ireport.com sera entièrement consacré au journalisme citoyen, et ne sera pas éditorialisé. Libre.

La partie i-report du site de CNN a connu un succès sans précédent ce mois de janvier, avec plus de 10.000 contenus proposés, mais seulement 10% de ces contenus se sont vu mis en lumière sur le site ou sur la chaîne de télévision. Sans modération, tout va changer, et c'est un cap radical que le média de Time Warner s'apprête à franchir.

Mike Shields a eu la possibilité de voir une version du site. Il reporte que le site ressemble beaucoup à un YouTube, centré sur la vidéo. Monsieur tout-le-monde pourra donc uploader ses photos, ses vidéos et ses fichiers audio à travers une interface ultra-simple. Seront incluses bien évidemment les possibilités de recherche, de classement, de tagging, et de partage afin de remplir blog et sites des contenus ainsi repérés.

 

 

Un pari audacieux, donc. Surtout pour une marque aussi forte que CNN, qui veut rester la référence, et qui tient à la qualité et à la justesse des informations qu'elle met à l'antenne ou sur les différentes éditions de son site internet. Les dirigeants de CNN en sont conscients, mais, victimes de leur succès avec la zone i-report de CNN.com, ils font confiance à cette tendance : les incendies de Californie ont par exemple généré 11.000 soumissions de contenus.

Mike Shields rapporte les propos de Jim Walton, président de CNN Monde : “Cela commence avec le public," dit il. “Le public est de plus en plus à l'aise avec le fait de participer à l'information. C'est une extension naturelle pour nous".

Alors comment gérer ce flot d'informations qui sera soumis? Comment faire sortir l'info du lot? Et bien les responsables du site ne savent pas encore de quelle façon exacte le site sera pris en main, mais les dirigeants de CNN font confiance à la communauté du web et à sa capacité à faire le tri.

Le contenu sera monitoré par CNN, pour en exclure tous propos diffamants, mais il n'y aura pas de marche à suivre ou de contenus conseillés. CNN se désolidarisera bien entendu des contenus, ils reflèteront les idées de leurs auteurs, des auteurs qui devront se surveiller les uns les autres, se modérer entre eux.

Et la publicité dans tout cela? La monétisation du site n'est pas pour le moment une priorité pour CNN, qui va mettre peu de publicité au départ, et ne mettra pas de publicité au début des vidéos (pre-rolls).

Si le contenu est complètement libre, il sera intéressant de voir les annonceurs qui voudront faire le pari de se retrouver à côté de n'importe quel contenu, et peut-être un contenu qui les mettrait en cause.

Amusant de voir la stratégie de CNN de séparer les contenus générés par les utilisateurs sur un autre site que le sien, au moment où en France Le Monde a choisi de ne pas apparaître clairement dans Le Post. Mais là différence ici est que CNN a commencé par abriter les contenus avant de leurs faire vivre leur vie à part, parce que non éditorialisés, vérifiés.

Mais ce n'est pas la seule raison. Le monde a changé, le public a changé, les attentes ont changé, et il faut aller vite, très vite. Le site va être modéré à postériori, jamais à priori. Cela laisse certes plus de liberté au ireporter, mais aussi cela permet au contenu d'être en ligne immédiatement.

Alors en France, est-ce que l'on serait prêts pour une telle aventure? Qui va se lancer?

Juste pour rire, et pour montrer que certains journalistes français ne sont pas prêts à ce nouveau type de journalisme, regardez comment réagit un journaliste de Marianne à la vente d'une vidéo de Jérôme Kerviel par l'intermédiaire de Citizenside, auquel l'AFP participe. Edifiant, ou consternant, comme vous voulez.