L'Observatoire des médias

Out d’Or 2018 : « La visibilité des minorités sauve des vies, la visibilité des minorités est politique, la visibilité des minorités dans l’espace public tord le cou aux fake news et aux discours haineux » #AJLawards 🏳️‍🌈

Les OUT d’Or, les prix de la visibilité LGBTI, reviennent pour une seconde édition, les 18 et 19 juin prochains. Co-organisés à Paris par l’AJL (Association des journalistes LGBTI) et la Maison des Métallos, ils visent à récompenser celles et ceux qui ont œuvré en 2017-2018 pour la visibilité des personnes LGBTI dans l’espace public. Sous la houlette des maîtresses de cérémonie Marie Labory, journaliste à Arte, et Rébecca Chaillon, metteuse en scène, les OUT d’Or 2018 seront placés sous le signe de la lutte contre les fake news et les discours de haine envers les minorités.

« Toute la télévision, tous les journalistes ont cassé Fillon […]. On sait très très bien que c’est les Francs-maçons et les homosexuels qui lui ont tiré dans le dos ». Ces paroles, censées justifier la défaite de François Fillon à la présidentielle française, ont été prononcées par une militante Les Républicains au micro de Paul Larrouturou, journaliste à « Quotidien », en janvier dernier.

L’année 2017 à peine digérée, 2018 s’ouvrait avec un florilège de « fake news ». Celle-ci, formulée dans un tel contexte, prête peut-être à sourire. Bien connue, bien complotiste, elle suggère qu’il existerait un « lobby LGBT », une mystérieuse nébuleuse d’homosexuel·le·s qui s’emploierait à manipuler médias et politiques pour parvenir à ses fins –en l’occurrence, ici, faire élire Emmanuel Macron. C’est ce supposé puissant lobby gangrénant toutes les sphères de pouvoir, qui ferait des pieds et des mains pour mettre à l’agenda ses intérêts ô combien égoïstes: que ses ouailles lesbiennes, gays, bi·e·s et/ou trans et intersexes aient les mêmes droits que les citoyen·ne·s hétérosexuel·le·s et cisgenres au regard de la loi française. L’idée derrière le « lobby gay », c’est aussi, et surtout, un fantasme de prosélytisme, de volonté de conversion, de possibilité de contamination, comme si l’homosexualité était une religion, une maladie ou une doctrine… de l’homophobie, en somme.

Les sources varient mais l’expression serait apparue au milieu des années 50. Combien de personnes croient, en 2018, qu’il existe un tel lobby? Comment cette idée a-t-elle pu tant infuser dans la société, même parmi les couches les plus « éduquées », « informées »? L’ignorance des réalités des vécus LGBTI, encore soumis aux discriminations, qu’elle révèle est énorme, mais sa longévité interroge. Et avec elle, c’est la multitude de fausses informations propagées au sujet des minorités qui mérite toute notre attention.

Les minorités, qu’elles soient sexuelles ou racisées[1], ou les populations minorisées du fait de leur identité de genre n’ont pas découvert les « fake news » avec la campagne de Donald J. Trump. Depuis des décennies, à chaque irruption dans l’espace public, souvent par effraction, de revendications de groupes discriminés (droit à l’avortement, dépénalisation de l’homosexualité, PACS, plafond de verre, mariage pour tou·te·s…), les mouvements conservateurs réagissent en diffusant pléthore de faits falsifiés à leur sujet, à grand renfort de théories complotistes, religieuses, d’experts conservateurs et/ou autoproclamés. La nouveauté de ce siècle réside surtout dans l’amplification de leur capacité de nuisance: ils et elles disposent désormais d’outils tels que des sites de désinformation aux allures de médias « fiables », et sont largement épaulé·e·s par une armée de valeureux trolls sur les réseaux sociaux, mais pas que. Une force de mobilisation des journalistes, éditorialistes, programmat·eur·rices, qui légitime tout à coup leur parole, les rend fréquentables, « invitables », quand bien même leur but serait de réduire au silence des minorités déjà discriminées et sous-représentées.

« Théorie du genre », « PMA sans père », « bébés OGM », « féministes émasculatrices », « antiracisme racialiste », populisme anti-islam et « grand remplacement » ou encore les théories délirantes remettant en question l’existence de l’épidémie du VIH… il suffit d’un rapide tour sur les sites en question pour constater l’ampleur de leur obsession pour les revendications bousculant les privilèges et l’ordre établi: blanc, patriarcal, hétérosexuel. Plus inquiétante encore est la porosité entre cette rhétorique et celle épisodiquement tenue dans les médias généralistes par des personnalités invitées à donner leur opinion sur les vies et les droits des minorités. Ces fausses informations au caractère souvent anxiogène ont des conséquences concrètes: des promesses de reconnaissance légale reportées, la persistance de discriminations systémiques, et des vies encore menacées –en témoigne par exemple laugmentation des agressions LGBTphobes recensée par l’association SOS-homophobie dans le sillage des débats autour de l’ouverture au mariage pour tou·te·s.

Depuis 2013, les journalistes de l’AJL s’emploient à sensibiliser leur pairs afin que le traitement médiatique des personnes LGBTI soit fait avec justesse, respect et rigueur.Cette action, bénévole, se fait au moyen d’un kit de bonnes pratiques à l’usage des rédactions, d’un dialogue avec les reporters, d’études annuelles sur le traitement médiatique des minorités, ainsi que de formations régulières dans les écoles de journalisme. En 2017, l’AJL a créé les OUT d’or, une cérémonie de prix résolument positive, pour encourager les bonnes pratiques journalistiques.Pour cette seconde édition, l’AJL s’associe une nouvelle fois à la Maison des Métallos et nous partons, ensemble, du même postulat: la visibilité des minorités sauve des vies, la visibilité des minorités est politique, la visibilité des minorités dans l’espace public tord le cou aux fake news et aux discours haineux. C’est pourquoi le 19 juin, nous la célébrons!

Les minorités peuvent se représenter, s’émanciper, elles-mêmes. Elles n’ont pas besoin de porte-voix, de « discours sur », et de « discours sans » elles. C’est pourquoi le 19, elles sont visibles, fier·e·s et sur le devant de la scène! Cette cérémonie vise précisément à récompenser celles et ceux qui par leur reportage, prise de position, performance sportive, ont oeuvré pour la visibilité des minorités au cours de l’année écoulée. Elle vise à récompenser celles et ceux qui ont donné la parole aux premier·ère·s concerné·e·s. Pour nous, encourager cette visibilité-là, c’est déjà lutter contre les « fake news ».Réunir sphères militante, médiatique, culturelle, politique ou sportive pour célébrer ces initiatives, œuvres et personnalités, c’est attaquer le mal à la racine: c’est travailler, labourer, retourner, ce terreau qui sert les représentations falsifiées des minorités au sein de l’imaginaire collectif. Un terreau constamment, savamment, entretenu par les mouvements réactionnaires. Où viennent se nicher stéréotypes et préjugés discriminants, où prospèrent fétichisation et pathologisation des corps, où naissent soupçons d’individualisme, d’anti vivre-ensemble, ou encore mise au ban de l’humanité lorsque, par exemple, est questionnée leur aptitude à la parentalité.

Alors, prenez date, ce sont les 18 et 19 juin que cela se passe!

Le débat:

Fake news et discours de haine des minorités: à qui profite l’ère de la post-vérité?

Animé par Ingrid Therwath (Courrier international, membre de l’AJL) et Julien Pain (franceinfo). Avec Najat Vallaud-Belkacem, ancienne ministre des Droits des Femmes et de l’Éducation nationale, qui avait porté le projet de l’ « ABCD de l’égalité » et a été victime à titre personnel de nombre de fake news; Antonio Casilli, maître de conférences en humanités numériques et chercheur à l’EHESS; Gwen Fauchois, ancienne vice-présidente d’Act Up-Paris, activiste lesbienne et féministe et David Perrotin, journaliste à Buzzfeed.

Entrée libre et gratuite sur réservation sur le site de la Maison des Métallos.

La cérémonie:

La remise des prix de la visibilité LGBTI

Marie Labory, journaliste à Arte, et Rebecca Chaillon, metteuse en scène et performeuse, seront les maîtresses de cérémonie de cette seconde édition des OUT d’Or. Autour d’elles, des personnalités issues des sphères militante, sportive, politique, médiatique et culturelle viendront tour à tour remettre des prix et délivreront une parole joyeuse et engagée en faveur de la visibilité LGBTI.

Qui recevra l’OUT d’or de la rédaction engagée, celui du coup de gueule ou du documentaire? Qui sera récompensé athlète LGBTI de l’année? Quelle création artistiquesera distinguée cette année? Quelle est, selon vous, LApersonnalité LGBTI de 2018? Découvrez les nommé·e·s!


Une tribune publiée à l’origine sur le HuffPost avec le titre : « Out d’Or » 2018, les prix de la visibilité LGBTI dénoncent la haine derrière les fake news
Photo : crédit Twitter / BFMTV


[1]Personnes racisées: l’expression, utilisant notamment en sociologie, désigne les personnes victimes de racisme.