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HuffPost : Pourquoi la gauche soutient-elle la non-rémunération des blogueurs ?

HuffPost : Pourquoi la gauche soutient-elle la non-rémunération des blogueurs ?

Le Huffington Post est-il menacé avant même de naître hors des États-Unis. Au Québec, le site qui doit arriver sur la toile début  2012, fait face à plusieurs critiques. Des personnalités, étiquetées politiquement figurent sur la liste des contributeurs, mais c’est la question de la rémunération qui pose problème. Les blogueurs devront  délivrer gratuitement leurs contenus au site hébergé par le géant America Online (AOL). La société de services internet, influente dans l’économie américaine, a racheté le « Huff » pour 315 millions de dollars en février 2011. Aujourd’hui, la non-rémunération des blogueurs semble n’être destinée qu’à accroître les bénéfices.

Pigasse et Sinclair au service d’AOL ?


Anne Sinclair devant la Maison Blanche. (Source)

On sait désormais qu’ Anne Sinclair, madame Strauss-Kahn, sera la directrice éditoriale de la version française du Huffington Post. La nouvelle a surpris dans le monde médiatique, sans pour autant créer de vraie polémique. L’édition dont les premiers contenus devaient être mis en ligne en novembre, verra le jour début 2012. Nos confrères de Rue89 se sont procurés le mail envoyé depuis quelque jours par Anne Sinclair pour recruter les blogueurs. « Ces contributions ne seront pas rémunérées et seront l’équivalent de colonnes publiées dans d’autres médias. Mais nous leur donnerons la plus grande visibilité possible, grâce je l’espère, à la force de frappe du Huffington Post», écrit la journaliste. Les internautes accueillent mal la façon de faire: « Ni EDF, ni France télécoms ne vous acquittent de vos factures avec la notoriété, même si elle est grande », répond Pierre Serisier, journaliste, blogueur pour le monde.fr. De son côté, Roland Pavot (GdeC), blogueur indépendant, regrette que ses collègues soient « attirés par leur excès d’orgueil et leur besoin de reconnaissance ». Sa principale crainte, en plus d’une « exploitation des compétences à des fins d’enrichissement » du site, est la perte de la liberté d’expression des auteurs. Ce qui choque ailleurs, ne pourrait-il pas nous concerner aussi ? La version québécoise est pointée du doigt car elle s’apprête à faire travailler gratuitement des personnalités politiques de gauche. Des adversaires du profit des multinationales qui font du bénévolat pour AOL, la nouvelle peut surprendre. En France, le problème est le même : l’épouse d’un socialiste emblématique prône ce mode de fonctionnement. Même interrogation concernant Matthieu Pigasse, l’un des actionnaires majoritaires du Monde et président des Inrocks. Ces deux médias sont à l’origine de l’arrivée du « Huff » dans l’hexagone. Pigasse est donc l’un des ouvriers majeurs du site d’information. Mais il est surtout très proche de la gauche française. Longtemps conseiller de DSK, puis de Laurent Fabius, cet ancien de Science Po ne cache pas son soutien au Parti socialiste.

Les « experts » bénévoles

Dans son mail aux blogueurs, Anne Sinclair précise qu’il faut des « experts », histoire d’assurer un bon nombre de visite. Aux Etats-Unis, le « Huff » a fait son succès sur ce modèle éditorial. En France et au Québec, la proposition a plus de mal à se faire accepter. Il y a quelques jours, le site canadien projetj.ca révélait la liste de huit blogueurs ayant accepté d’offrir leur contribution au Huffington Post local. Parmi eux, trois noms font tâche : Amir Khadir, député de Québec solidaire (ancré à gauche) et la porte parole du parti, Françoise David. Le fondateur d’une organisation écologiste, Steven Guibeaut, apparaît également parmi les blogueurs « experts » et bénévoles. L’idéologie de gauche, en France et au Canada, ne serait-elle plus ce qu’elle était ? Est-ce devenu normal pour eux de travailler bénévolement pour accroître le profit d’une multinationale ? «Mon porte-parole a donné son accord de principe pour la reprise de mes textes qui sont déjà diffusés sur le Web », répondait Françoise David au site ledevoir.com. Les blogueurs québécois arguent que cela leur permet de défendre leurs idées en étant lu par un plus grand nombre. Aux Etats-Unis, le Huffington Post génère plus de 25 millions de visiteurs uniques par mois. AOL enregistre des bénéfices importants et, en France, le site sera soutenu par Les Inrockuptibles et le Monde, deux journaux gérés par des hommes d’affaire. Le mode de rémunération des blogueurs est un éternel débat…

Anthony Rivat

Anthony Rivat est est en Licence Webjournalisme à Metz.

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Toujours sur le Huffington Post France, lire l’article de Jean-Marie Charon sur L’Observatoire des Médias, qui concluait ainsi :

[…]A moins que ce soit encore une tentative de plus pour profiter sans la rémunérer de l’activité des journalistes et de la frange du public le plus contributif.

View Comments (25)
  • La partie de la gauche qui soutient le bénévolat est celle peut se contenter de travailler pour l’influence et la gloire grace à de l’argent de naissance (Sinclair) ou de la carrière précédente (Pigasse). Le plus amusant c’est que, pour autant, il ne le font pas gratuitement.

      • Qu’est-ce que ça a de lourdingue ? Calvero nous dit que l’héritière Anne Sinclair est pétée de tunes, ce qui lui permettrait de bosser à l’œil. Vous croyez qu’il faudrait demander aux avocats de DSK ou au bailleur de sa luxueuse résidence aux USA pour savoir si c’est vrai ?
        Au lieu de quoi, non seulement elle va se faire payer bonbon, mais c’est aux précaires qu’elle demande de bosser pour la gloire. À sa décharge, elle aurait tort de ne pas en profiter vu qu’elle va trouver pléthore de crevards qui ne vont pas hésiter à foutre encore plus dans la merde leurs petits camarades en bossant pour peanuts, en échange d’une reconnaissance illusoire.
        Et d’aucuns disent que c’est la gauche. Je rigole (jaune).

      • [repost suite à modération] C’est juste une réalité économique. Il est plus facile d’être rentier et bénévole que au RSA et bénévole. C’est lourdingue mais la vie est souvent lourdingue.

  • je suis curieux de voir quels sont les « experts » (lol) dans mon domaine de spécialisation, la politique française, qui vont s’y coller… N’ont-ils pas peur de vendre leur âme au diable ? Je ne suis quant à moi pas très représentatif probablement des blogueurs poltiiques français, dont les hautes stratosphères sont squattées par des gens plutôt soc.dem. J’attends… en souriant. Tapis au fnd du bois. :)

  • @anthony : effectivement, pour rebondir sur le commentaire précédent, je me demande bien de quelle gauche tu parles… Celle qui se compromet avec l’ennemi ? ;)

    • Non, on ne s’indigne pas uniquement sur celui-ci.
      On parle de celui-là parce qu’il va bientôt se lancer.
      Et ce n’est pas la première fois qu’on en parle ici, bien avant que le nom d’Anne Sinclair soit évoqué :  http://www.observatoiredesmedias.com/2011/06/22/demain-un-huffingtonpost-fr/

    • Pour connaître L’Obs et Le Post, le traitement et la façon de faire n’ont rien à voir.

      Au Post, c’est l’attitude unilatérale de l’actuelle direction qui a été mal vécue (dans le prolongement de la crise du début d’année avec la rédac) : http://www.lepost.fr/article/2011/11/03/2629728_du-post-au-huff-post-une-rupture-ordinaire.html

      Faire passer ça pour du « Anne Sinclair Bashing », c’est de la mauvaise com.

  • Moi je m’étonne surtout de l’absence de modèles innovants. Il y a des prises de participation et on reproduit des modèles qui se ressemblent et qui ne valorisent pas vraiment ceux qui écrivent dedans. Des hybrides entre mediapart et owni mériteraient d’exister. Ce qui est gênant, c’est que  des personnalités de gauche ne montrent aucune idée pour développer de nouveaux modèles économiques pour la presse. Pourquoi ne pas imaginer une partie en accès gratuit, une autre payante avec des articles devenant gratuits après un embargo. Pourquoi ne pas envisager aussi la possibilité de soutenir des enquêtes et des reportages par investissement léger des internautes. Du genre, on voudrait savoir le rôle exact de Guéant dans l’affaire Boulin, etc. Il y aussi à imaginer de nouvelles formes différentes de l’article. Le huff français ressemble  à un simple clone. Bref, ce n’est pas intéressant.

    • « on voudrait savoir le rôle exact de Guéant dans l’affaire Boulin »

      Il est en effet tentant de pouvoir contribuer à des recherches  sur des aspects peu explorés de l’actualité.
      La suggestion d’Olivier Le Deuff et l’exemple qu’il a choisi « on voudrait savoir le rôle exact de Guéant dans l’affaire Boulin » sont emblématiques :  Que  L’interactivité d’un site d’information permette aux internautes motivés de proposer qu’une enquête soit lancée et/ou orientée dans une direction jusque là négligée est louable. le cas de l’affaire Boulin constitue un laboratoire idéal, souhaitons que sa suggestion soit relayée et entendue

  • Une directrice de rédaction qui cherche des « experts » mais « non rémunérés », pour travailler sur un site d’information appartenant à un géant financier américain. Et on se demande pourquoi le journalisme est en crise.

  • Bonjour,
    Merci de mentionner mon commentaire dans votre article. J’aurais aimé que la citation soit complète pour restituer tout son sens et surtout qu’elle ne soit pas tronquée par des fautes de frappe (France Telecom et non France télécoms comme vous l’écrivez) et par des fautes de grammaire: avec l’oubli d’un mot.
    La citation exacte était donc la suivante:
    « Les contributions ne seront pas rémunérées. Si l’on voulait un nouvel
    exemple de la paupérisation du métier de journaliste, on ne pourrait
    trouver mieux. Pour faire simple : fournissez du contenu, on vous paie
    en notoriété.

    L’ennui, c’est que ni EDF, ni France Telecom n’accepte que vous
    acquittiez vos factures avec de la notoriété, même en grande quantité. »
    Pierre Sérisier

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