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L’émancipation éditoriale de France Télévisions, avant 2012, s’il vous plaît!

L’émancipation éditoriale de France Télévisions, avant 2012, s’il vous plaît!

De manière quasi automatique, lorsqu’on en vient à parler des coulisses de France Télévisions, le mot « Elysée » ne tarde pas à être prononcé.

Sarkozy ici, Guéant là, les conseillers qui tirent les ficelles, les coups de téléphone passés à la direction, le savon adressé à un directeur général… Les dernières années nous ont fourni de la matière à n’en plus finir pour alimenter le débat autour des pressions exercées par le Président de la République et son entourage sur la télévision publique et ses dirigeants.

La nomination d’un nouveau Président à la tête du groupe n’aura en rien apaisé cet état de faits, pourtant c’est avec lui que France Télévisions devra retrouver de la superbe dans sa crédibilité à l’heure où se forment les rangs pour la campagne présidentielle de 2012.

Arlette Chabot, journaliste chevronnée

Le dernier séisme en date dans la maison, c’est le départ d’Arlette Chabot. D’accord, cet événement n’est pas une surprise. On savait Arlette en sursis depuis l’arrivée de Rémy Pflimlin, moment où elle avait été écartée de son poste de directrice de l’information. Lui restait alors l’animation du programme politique phare de la chaîne, ‘A vous de Juger’. Ce n’était donc pas une surprise, juste une question de semaines. Mais Arlette était un pilier et l’histoire s’arrêterait là si le peu de sympathie de Nicolas Sarkozy pour Arlette Chabot n’était pas connu depuis un accrochage qu’ils avaient eu en marge d’une interview à New-York en septembre 2009.

Après les tensions entre Nicolas Sarkozy et un Patrick de Carolis ex-président de FTV rebelle aux injonctions élyséennes (en particulier la dernière année de son mandat), après l’épisode des propos ‘off’ du Président de la République ramenés à la lumière du ‘on’ par un technicien de France 3… France 2 débarque donc sa journaliste politique la plus chevronnée un peu plus d’un an avant l’élection présidentielle et va devoir regagner ses galons d’impartialité dans ce contexte.

Car la question qui se pose pour France Télévisions dans les mois à venir, c’est de savoir si ses chaînes seront capables de faire montre d’une totale indépendance dans leur programmation et dans leur ton politique.

Liberté de ton

Posons la question de manière plus concrète. Ce mercredi 16 février, Le Monde a publié un édito engagé appelant à la démission de Michèle Alliot-Marie de son poste de Ministre des Affaires Etrangères suite à ses aventures tunisiennes. Fabien Namias, nouveau rédacteur en chef des services politique et économie de la rédaction de France 2, aurait-il par exemple pu prendre cette position lors de l’une de ses interventions sur le plateau du journal de 20h ?

Ce type de prise de position est certes un travail généralement fait par la presse mais est-il illégitime de l’imaginer réalisé par la télévision quand l’exercice repose sur des faits ?

Druckerisation

Difficile de répondre par la positive à cette question tant l’image politique de France 2 – arrêtons-nous à la chaine emblématique du groupe – est associée à la fois à la cacophonie de soirées électorales ainsi qu’à un traitement lisse des idées politiques et de leurs détenteurs dont le coupable se nomme Michel Drucker. Cette « druckerisation » – comme on a pu l’entendre parfois – du débat politique fait mal au travail effectué par les journalistes de la rédaction car c’est l’émission du dimanche soir qui fait les audiences, pas leurs sujets. L’indépendance éditoriale est encore loin quand elle rime avec édulcoration.

Alors forcément, les pressions de l’Elysée sur FTV ne risquent pas de concerner Michel Drucker, pas plus que Pierre Sled, fraichement arrivé à la direction des programmes de France 3 et dont la personnalité n’est pas exactement l’antidote à une démarche lisse.

Quel plateau TV politique pour 2012, chez France Télévisions?

Il n’en est en revanche pas de même pour les Guillaume Durand, Frantz-Olivier Giesbert ou Laurent Ruquier, habitués eux aussi à recevoir des personnalités politiques et dont le poids médiatique pourrait emmener le groupe dans la bonne direction. Il sera ainsi très intéressant de voir à quel point France Télévisions comptera sur ces journalistes et/ ou animateurs dans les prochains mois alors qu’ils ne sont pas dans les petits papiers des conseillers de l’Elysée. Bien entendu, respect du temps de parole oblige, ils ne pourront plus recevoir d’hommes ou de femmes politiques pendant les dernières semaines de la campagne présidentielle, mais quelle marge de manœuvre leur laissera-t-on entre septembre 2011 et avril 2012 ?

Au centre de cette reconstruction éditoriale, Arlette Chabot partie et la suppression de son émission annoncée, quel programme politique phare pour remplacer ‘A vous de Juger’ et ainsi faire l’événement ? Avec quel format ? Qui aux commandes ? Et quel ton ?

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Car c’est un ton que France 2 devra se trouver, un ton intègre, impartial et transparent derrière lequel aucun soupçon de filiation présidentielle ne devra apparaître.

Il existe, c’est vrai, un programme auquel on ne peut pas faire ce reproche : il s’agit de ‘Mon Œil’, format impertinent qui raconte l’actualité de la semaine écoulée à la manière de son auteur Michel Mompontet. Cet OVNI est diffusé le samedi à 13h15 (pas vraiment un carrefour de l’audience) et ne dure qu’à peine 8 minutes… bien peu pour convaincre de quoi que ce soit quant à l’indépendance éditoriale de la télévision publique.

Rémy Pflimlin a mis au cœur de ses chantiers pour France Télévisions le renforcement de l’identité de chacune de ses chaînes. S’il ne veut pas voir ses efforts rester vains, il devra compter sur cette émancipation éditoriale. Cela ne se fera pas sans tensions, mais cette démarche relève aussi du devoir. Car c’est une mission de service public que de pouvoir présenter à ses téléspectateurs des enjeux politiques clairs et sans filtre idéologique préalable, leur permettant de mieux comprendre et de choisir de manière autonome.

Si la télévision publique refuse ce combat et ce travail de décryptage, elle aura failli.

Florian Courgenouil

Amoureux des médias (les nouveaux comme les autres)Florian Courgenouil entretient également une relation professionnelle avec le e-marketing sans renier sa formation politiste. Il concilie ses passions ici : http://www.lestentatives.com

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