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« L’iRiposte ça n’existe pas » ou comment l’UMP tente de se défendre sur la toile

« L’iRiposte ça n’existe pas » ou comment l’UMP tente de se défendre sur la toile

iriposte

Capture d’écran du site de l’iRiposten Edité par Jérémy Collado

Pendant trois jours, les étudiants de 2e année ont enquêté sur la iRiposte de l’UMP, comprendre la mobilisation des militants en ligne.

Sus à la “gauchosphère”! C’est le leitmotiv de Benjamin Lancar, président des Jeunes Populaires qui a lancé fin août la “iRiposte”. On aurait pu imaginer des cohortes de militants au service du général Sarkozy, armés de leur Macbook, se lançant dans la bataille sur Twitter, Facebook et les sites d’infos. Mais au lieu d’une victoire à la Austerlitz, la iRiposte s’est fait railler dès le début comme un fail type Waterloo.

Anecdote, les Jeunes Pop ont oublié d’acheter le nom de domaine i-riposte.fr et une version parodique du site est déjà en ligne. Avec des vidéos de Nadine Morano, Secrétaire d’Etat chargée de la Famille et de la solidarité qui se déhanche, les plus belles citations de Frédéric Lefebvre, le Porte-parole de l’UMP, ou des parodies de Groland et du Petit Journal. Oups. Mais des semaines après, les iRiposteurs ont-ils fourbi leurs armes?

« On va voir une cinquantaine de militants dans toute la France”


Aujourd’hui, contrairement à l’objectif annoncé par Benjamin Lancar, c’est plutôt “une vingtaine” d’après Patrick D’Agostino, responsable web des Jeunes Populaires. “Il y a une équipe technique chargée de créer de nouvelles plates-formes, des professionnels du web mais il n’y a pas de cellule”, précise Matthieu Creux, délégué national des Jeunes Pop mais aussi co-fondateur d’iStrat, une agence spécialisée dans l’influence sur le web. Il est, avec Thomas Kolbé, coordinateur de l’équipe web formée il y a deux ans par les Jeunes Pop.

Au delà de ce noyau dur, d’autres militants s’engagent dans les fédérations. Mais combien vont vraiment “riposter”? “Je ne sais pas combien, répond Matthieu Creux. On envoie parfois des mails pour signaler des articles contre nous, mais on ne peut pas dire combien lisent ces mails et vont effectivement répondre aux attaques”. Aucun militant n’est présent sur le web à temps plein, et le travail se fait sur le temps libre, bénévolement, affirme-t-il. Comment s’organise cette petite troupe? “On fonctionne par boucle mail, par GoogleDoc. On ne fait pas de réunion régulière.” explique Thomas Kolbé.

Les responsables reconnaissent donc que les moyens sont plutôt artisanaux. Ce qui ne manque pas de faire sourire des gens comme Emery Doligé, blogueur classé à droite et conseiller en marketing digital: “Un jour, j’ai rencontré Benjamin Lancar à Europe 1, raconte-t-il. Il me salue et me dit: ‘Je vous présente l’iRiposte’ en montrant quatre mecs qui étaient avec lui. C’est une bonne blague.”

« Il faut qu’on se saisisse d’Internet”

Une autre point important de la iRiposte telle qu’annoncée par Benjamin Lancar concerne la formation des militants. Comment se servir des outils Internet, comment faire de la veille sur le web? Matthieu Creux est chargé de sensibiliser les militants des Jeunes Pop lors de déplacements dans les fédérations.

Pour le moment, toutes ne l’ont pas encore accueilli. “Il n’est pas encore venu, mais c’est prévu pour janvier, explique Marine Courtaut, responsable départementale des Jeunes Pop du Rhône. Mais il y a eu des formations à Port Marly”. En effet, le campus d’été des Jeunes Pop à Port Marly a été l’occasion de débuter cette formation. Le blogueur Emery Doligé était présent pour donner son point de vue sur l’utilisation d’Internet par les jeunes de droite. “Je leur ai dit que s’ils voulaient arriver à la cheville de la gauche, il fallait utiliser Twitter, leur statuts Facebook pour dire qu’ils étaient de droite et soutenir le gouvernement.” Le message est-il bien passé? “A l’applaudimètre, j’ai gagné” estime le blogueur. Mais pour le moment, celui-ci affirmer pourtant ne pas avoir vu de différence. La responsable local Marine Courtaut se rappelle d’avoir été plus active pendant la dernière élection: “Notamment pendant les régionales, j’allais beaucoup répondre aux articles. Par exemple un article sur un élu de la région, j’allais riposter.” “Hors période de campagne, le militant de droite ne fait rien sur le web,” diagnostique Emery Doligé.

“Une équipe répondra sur Twitter”

Sur la plateforme de microblogging, pas de raz-de-marée Jeunes Pop depuis le lancement de la i-riposte. D’ailleurs, un faux compte “iriposte” parodie l’initiative de Benjamin Lancar:

Capture d'écran compte parodique iRiposte

Le réseau compte cependant quelques dizaines de comptes Jeunes Pop actifs. @JeunesPopkemon,
un compte anonyme clairement moqueur envers les Jeunes Pop, et qui s’est fixé pour mission de recenser tous les jeunes UMP présents sur Twitter, en recense une centaine. Par ailleurs, l’objectif consistant à doter chaque fédération départementale d’un compte Twitter n’est que partiellement atteint : nous n’avons trouvé qu’une quinzaine de comptes Twitter de fédérations, dont une moitié est inactive, comme celle de Marseille dont le dernier Tweet date  du 9
avril.

Capture d'écran Twitter des Jeunes Pop de Marseille

Il y a pourtant certains Jeunes UMP actifs sur Twitter, comme @Bastienregnier qui défend bec et ongles la politique du gouvernement et les ministres lors des “live tweet” des questions au gouvernement.

Capture d'écran d'un tweet de Bastien Régnier

Cependant, le jeune homme assure être “naturellement attiré par les nouvelles technologies” et “n’avoir reçu aucune incitation à twitter depuis le lancement de l’iRiposte”. “Pour instant !”, tempère le militant.

Patrick Dagostino, membre du noyau dur de l’équipe web des Jeunes Pop chapeaute l’initiative #QAG. Lors des questions au gouvernement, les militants visent à “live twitter” : répondre en direct sur Twitter aux accusations portées par l’opposition dans l’hémicyle, et mettre en avant les qualités de leurs ministres. La timeline #QAG ne comptait pas beaucoup de Jeunes Pop ce mercredi 3 novembre.

Capture d'écran #QAG

“Nous allons animer des sites un peu durs sur la gauche”

Oh my god, un nouveau site! Un des prochains projets web évoqués par les Jeunes Pop, c’est OMG: “l’Observatoire des Mensonges de la Gauche”. Un site qui reste aujourd’hui entouré de mystère. Est-il terminé? “C’est à l’état de projet. Avancé ou pas, je ne vous dirai pas” répond Matthieu Creux. Quand sera-t-il mis en ligne? “On ne se fixe pas de deadline”. L’objectif est de créer l’évènement comme lors du lancement de la PS-Academy pendant le congrès de Reims, site parodique qui a fait la fierté de Jeunes Pop.



PS Academy
envoyé par ps-academy. – L’actualité du moment en vidéo.

OMG sera probablement attendu au tournant, puisque annoncé cet été par Benjamin Lancar. Mais d’après Jean-Lionel Nogues, responsable des Jeunes Pop de Haute Garonne et graphiste pour la « iForce », le site s’appuiera sur un blog de type WordPress, avec un thème dont il se charge de préparer le logo. Là encore, les moyens semblent limités. Pour Xavier Moisant, webmaster du site de Jacques Chirac lors de la campagne présidentielle de 2002, c’est même carrément ringard. “Il fallait faire des sites parodiques type PSstory ou OMG en 2000, juge-t-il, aujourd’hui il faut produire son propre contenu, comme des vidéos défendant une réforme et critiquant le projet du PS et le faire circuler via les réseaux sociaux.” Dans un autre registre, la genèse-même de l’idée de ce site trouve contestation en interne. « On a fait la même chose avant eux sur notre site jeunessarkozystes.fr, assure Mike Borowski, virulent opposant à Benjamin Lancar aux dernières élections pour le président des Jeunes Populaires, la chasse à la rumeur de la gauche, ce n’est pas une nouveauté, ils ont fait du copier-coller ! » De fait, sur le site des jeunes sarkozystes, une « chasse à la rumeur » est annoncée depuis mai 2010. Suivent trois rumeurs de la gauche et à peine plus de commentaires.

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“Nous dénoncerons les manipulations médiatiques, répondrons aux commentaires”

Pour diffuser les idées de la majorité présidentielle, Benjamin Lancar avait évoqué l’idée de charger des militants de répondre aux commentaires sur les sites Internet d’information. Il s’agissait de remettre à leur place les internautes trop critiques envers le gouvernement ou encore de dénoncer la partialité de tel ou tel journaliste en bas de son article “du type (ceux de) Marianne” selon le président des Jeunes Pop’. Dans les faits, Antoine Daccord, chargé de l’animation de la communauté du Figaro.fr, ne voit jusqu’ici aucune différence. “L’opération iRiposte est invisible, elle est absorbée par la masse des commentaires. Nous recevons environ 300 000 commentaires par mois. D’ailleurs, les commentaires militants sont souvent identifiés par les lecteurs qui les apprécient peu et leur reprochent souvent de ne pas jouer carte sur table”.

Capture d'écran commentaire sur lefigaro.fr

“Grâce à Internet, les Jeunes Populaires seront les lieutenants de la campagne de Nicolas Sarkozy”

“Quelle erreur d’avoir communiqué sur l’iRiposte, analyse Arnaud Dassier, responsable de la campagne web de Sarkozy en 2007 et toujours acteur de la comm’ web politique avec sa propre agence. Il aurait mieux valu s’organiser en interne et occuper le terrain sur Internet sans en parler. Maintenant, ils sont attendu au tournant et ont mis la barre trop haut”. Une stratégie plus discrète aurait pu éviter la parodie de i-riposte.fr et la création du faux compte twitter.

Capture d'écran site parodique iRiposte.fr

Quand in fine nous revenons vers Matthieu Creux, des Jeunes UMP, pour lui faire part de notre bilan, celui-ci choisit clairement de relativiser: “Laissez-nous le temps! L’iRiposte est hyper récente. Ça ne se fait pas en deux jours.” De fait, il assume : “L’iRiposte ça n’existe pas. Il n’y a pas d’équipe. C’est une lubie journalistique… A l’heure actuelle c’est une coquille vide! ” Pour autant, Matthieu Creux insiste sur le fait que cela ne l’empêche pas de dormir: “Le fait d’être moqué sur Internet, on s’en fiche. Quand on est moqué, les gens parlent de nous. Ça nous fait de la pub.

Judith Duportail et Maxime Cuny
sont Etudians en journalisme à Sciences Po.
Article publié à l’origine sur le site de l’école de journalisme de Sciences Po sous le titre :
L’iRiposte des jeunes UMP: une « coquille vide » et alors?
Retrouvez les auteurs sur Twitter : @
JudithDuportail @maximecuny

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