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Retour sur l’échange Pulvar/Wauquiez : faut-il mettre en cause l’objectivité de la journaliste?

Retour sur l’échange Pulvar/Wauquiez : faut-il mettre en cause l’objectivité de la journaliste?

Audrey Pulvar tient peut-être son premier coup d’éclat dans le talk-show du samedi soir de Laurent Ruquier « On n’est pas couchés ». Le Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Laurent Wauquiez venu dans l’émission défendre les propositions de son livre La lutte des classes moyennes, s’est vu sérieusement épinglé par la polémiste. Un débat agité, passionné, clivant, énormément commenté sur le web : bref, tous les ingrédients sont réunis pour le départ d’un nouveau clash.

Une place difficile à imposer

Timide au début, son style se fait de plus en plus acéré au fil des semaines. La chroniqueuse semble petit à petit trouver ses marques, chose loin d’être évidente lorsqu’on on remplace un duo aussi notoire qu’étaient ses prédécesseurs, Eric Zemmour et Eric Naulleau. On lui invoque d’ailleurs assez souvent, ainsi qu’à sa comparse Natacha Polony, qu’elles n’ont ni les qualités requises, ni la même verve, ni le même aplomb que « les deux Eric », devenus des personnages emblématiques de l’émission en quelques saisons, voire du PAF. En atteste d’ailleurs le baromètre média réalisé conjointement par l’Ifop et le JDD, dans lequel on peut voir Audrey Pulvar, également présente tous les matins sur la tranche 6h-7h de France Inter, passer de la 15ème à la 23ème position des journalistes préférés des français.

Serait-ce la comparaison peu avantageuse avec ses prédécesseurs qui entraîne la journaliste dans cette chute de popularité ? Ses prises de positions plus affirmées et médiatisées depuis qu’elle est arrivée sur France 2 ? Ou peut-être son exposition récente au bras de son compagnon le socialiste Arnaud Montebourg le soir où il est devenu le troisième homme des primaires du parti ?

Accusations et insinuations

L’indépendance de la chroniqueuse est la cible de vives critiques depuis la révélation de sa relation avec Arnaud Montebourg.

Les rivaux et les adversaires de son compagnon mettent en doute la sincérité et l’intégrité de la journaliste, notamment lorsqu’elle a interviewé dans « On n’est pas couchés » certains de ses concurrents lors de la primaire socialiste, Ségolène Royal et Martine Aubry, qui se seraient plaintes de « l’agressivité », du « militantisme » et des attaques sur l’affaire Guérini, sujet cher à son compagnon.

Agressive : c’est un peu exagéré. Audrey Pulvar se contente d’être accrocheuse, elle ne lâche pas l’interviewé tant qu’elle n’obtient pas une réponse. Et c’est une qualité qu’on a parfois du mal à retrouver chez tous les journalistes. Un polémiste se doit d’être offensif, d’apporter des contradictions, de faire évoluer le débat. Si ses argumentaires étaient trop mous, comment les aurions-nous interprétés ? Une connivence trop importante avec la gauche ? Une journaliste complaisante et pas très pugnace ? Un remplacement raté du duo Zemmour/Naulleau ?

Quant à son militantisme, cela nous ramène au vieux débat sur l’objectivité journalistique. Il est assez évident qu’aucun journaliste n’a d’objectivité journalistique. Il ne peut qu’y avoir une subjectivité de bonne foi. Et ceci est encore plus vrai lorsqu’il s’agit d’un polémiste ou d’un éditorialiste. Audrey Pulvar, qui se caractérise à gauche « Plus radicalement qu’Arnaud », accusée de propager un discours partisan, ne pourrait pas avoir d’avis différent de celui de son compagnon. Pis, elle ne pourrait pas faire preuve de déontologie et ne serait que la représentante d’Arnaud Montebourg. Comme si, celle qui est sortie major de sa promotion de l’ESJ Paris, ne pouvait pas faire la séparation entre sa vie privée et son indépendance journalistique.

Que pointe alors réellement les allégations de ces politiques ? Ce sont le reflet d’un décalage entre ce que les hommes politiques attendent d’un journaliste et ce que Audrey Pulvar produit en interview. Bousculés, les politiques s’indignent de son indépendance et sa liberté d’expression. Paradoxal lorsqu’on attaque dans le même temps son intégrité et sa déontologie. Audrey Pulvar dérange car elle n’est pas aussi consensuelle et formatée que la norme de ses confrères.

Réactions

Malheureusement, il est difficile pour Audrey Pulvar de faire oublier cette connivence dont elle serait coupable. Sur Twitter, nombreux sont les tweets à avoir fait le lien entre les accusations de conflit d’intérêt et la virulence dont elle a fait preuve durant l’échange.

La semaine d’avant, alors qu’elle était face à Manuel Valls, autre concurrent de son compagnon durant les primaires, @JeudyBruno, journaliste du JDD, ravivait à nouveau la polémique avec un tweet assassin, retweeté par plus de 30 personnes :

Audrey Pulvar semble donc condamnée à devoir prouver sa bonne foi chaque semaine.

Mélange des genres

Un article du monde.fr critique en outre la « frontière floue entre émission politique et de divertissement » de « On n’est pas couchés ». Cette ambiguïté serait le point de départ des multiples clashs et sorties de l’émission. Pour assurer le show et le divertissement, les deux chroniqueurs se doivent de chahuter les invités. Sans parler des constantes blagues de Laurent Ruquier et des interventions occasionnelles durant la partie politique des autres invités, quels qu’ils soient, acteur, chanteur, cinéaste, humoriste ou sportif. Ce mélange des genres tend à personnaliser la parole politique, puisque le politique n’est plus seulement jugé sur ses propositions et ses compétences politiques, mais aussi sa culture ou sa capacité à rire des blagues des autres, ou même à en faire soi-même.

Une autre question est par la même occasion posée. Qu’en est-il de l’équité temps de parole ? Laurent Ruquier qui s’est toujours interdit d’inviter Marine Le Pen, pour ne pas « livrer [son] audience aux idées du Front national », sera bien obligé de s’astreindre à la règle que fait appliquer le CSA et devra inviter la candidate du FN. Pas si sûr. L’express révèle que l’interview politique sera supprimée de l’émission à partir janvier prochain. La fin de la polémique autour d’Audrey Pulvar ?

Arnaud BEAUVAL
Etudiant de 21 ans en école en commerce, Arnaud s’intéresse à l’actualité et aux médias. Originaire de Paris, il est actuellement à Berlin en échange universitaire.

Mise-à-jour de 14h30 :
La députée UMP Anne Grommerch, une proche de Laurent Wauquiez, a mis en cause ce mardi « l’objectivité » de la journaliste Audrey Pulvar :

« Cette journaliste compétente ne peut se permettre de se laisser aller à de tels raccourcis (…). Ce type de dérapage pose une question de déontologie »

Lire la suite de la dépêche AFP.

[tubepress video= »ueDBgFZivh8″ embeddedWidth= »570″ mode= »mobile » title= »false »] Une vidéo par Fred-Lille sur lepost.fr

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  • Il faut en effet être très clair: le métier de journaliste n’est pas (plus?) d’être objectif. Il est là pour aider à la production de signification. En l’occurrence elle aide Wauquiez a exprimer sa vision politique et ses propositions. Elle est dans son rôle et il est tout à fait possible que la difficulté de Wauquiez à argumenter sereinement découle de l’indéfendabilité de son idée elle-même. Alors c’est vrai que c’est peut-être injuste de polémiquer sur l’hypothétiquement seule mauvaise proposition de son livre, il aurait pu s’en sortir en disant « ok, là-dessus je cherche encore, c’est une prémisse, pas vraiment une proposition finalisée… » quelque chose de ce genre (quand un politique réussira à sortir de cette posture hyper-virile devenue ridicule pour rendre compte de l’incertitude générale du monde, on aura bien avancé au niveau de la démocratie).
    Ce questionnement, cette construction du sens, ce story-telling qui est à reprendre aux entreprises de communication (qui a été abandonné, comme une démission, aux politiques, aux sportifs, comme l’a démontré l’épisode Domenech, vilipendé pour ne pas avoir fait le travail des journalistes à leur place, aux lobbies, aux attachés de presse…) est tout à fait possible envers des gens qui seraient « de notre camp ». Il faudrait œuvrer pour que Pulvar interroge Montebourg comme elle interroge Wauquiez et pas l’inverse.
    Alors imaginons la catastrophe: Wauquiez est critiqué par tous les journalistes sur ce point particulier et n’arrive pas à se rendre compte que, finalement, son idée est idiote, et n’arrive pas non plus à exprimer, du coup, d’éventuelles idées intelligentes par ailleurs. Et bien il lui reste le web. Hélas il n’est pas vraiment dans l’habitude des politiques, et notamment de l’UMP (je le cherche hein), de prêter le flan à la critique et l’interpellation non plus à de simples journalistes sur le mass-media, mais directement à une audience d’internautes. Là par contre, ce dialogue sur le web ne pourra continuer d’être évité bien longtemps (aujourd’hui on retrouve globalement des agendas, des déclarations dans le format du mass-media).

    Il faut retirer la licence de mensonge à la publicité et la médaille de la vérité au journalisme.

  • « Agressive : c’est un peu exagéré. Audrey Pulvar se contente d’être accrocheuse, elle ne lâche pas l’interviewé tant qu’elle n’obtient pas une réponse. »

    Pour obtenir une réponse, encore faut-il poser une question. Et Audrey Pulvar ne pose strictement aucune question à Laurent Wauquiez 10 mn « d’interview ». 

    • Très bonne remarque.
      Il n’est en effet pas question de se cantonner à des questions, ni de poser toujours la même, comme Demorand l’avait fait avec Debré avec le ridicule qu’on lui reconnaît parfois, tant qu’on n’obtient pas de réponse.
      En l’occurrence Pulvar discute et ne lâche pas son exigence d’une argumentation intelligible qui ne vient pas. L’idée de ne pas se satisfaire d’un slogan ou du titre d’une idée, mais de la déconstruire pour examiner si elle a un sens ou non est la chose à faire, dans un objectif pédagogique.
      Wauquiez essaye de faire le spin-doctor pour noyer le poisson plutôt que de rendre compte de la difficulté d’avoir une approche constructive d’un problème: il croit que la question est de distinguer celui qui a raison de celui qui a tors… ça n’intéresse plus personne, il n’y a plus de médaille de la vérité.

  • Audrey Pulvar ne fait de plus ni de moins que ce que faisait Eric Zemmour ce dont la droite bien pensante ne s’offusquait pas, bien au contraire puisqu’il était même invité intervenant lors de « séminaires » ou « conventions » UMP.

    Alors de grâce !

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